Santé
Cosmétiques
La FRC hausse le ton contre les substances indésirables. Les premiers concernés sont les enfants, les femmes enceintes et les personnes souffrant d'allergies spécifiques. Mais à travers l'«effet cocktail», c'est toute la population qui doit aujourd'hui faire face à des risques de santé inutiles. Une situation d'autant plus scandaleuse qu'il n'existe aucun moyen pour le consommateur de se fier aux allégations présentes sur l'emballage.
07 janvier 2020
La FRC s'engage à proposer une solution pragmatique à travers le lancement de son application, FRC Cosmétiques, mais aussi à faire bouger les choses au niveau politique.
Le problème
Il existe quatre types de substances à éviter: les agents irritants, les allergènes, les perturbateurs endocriniens et les nanoparticules. Si les molécules présentes dans les cosmétiques vendus en Suisse sont autorisées individuellement, le problème vient d’une exposition cumulée, puisque chacun utilise jusqu’à une dizaine de produits chaque jour et durant toute une vie.
Il convient en outre de poser un cadre restrictif sur les allégations affichées sur les emballages des produits cosmétiques.
En savoir plus avec nos dossiers spécifiques:
L'action de la FRC
La Suisse ne peut pas accuser de retard sur l’Union européenne comme c’est le cas sur d’autres dossiers chauds tels que la LCD (Loi contre la concurrence déloyale) ou le RGPD (Règlement européen sur la protection des données). Il en va de la santé des consommateurs.
L’association demande au Conseil fédéral de s’engager et d’adopter une stratégie nationale de lutte contre les substances indésirables. Elle souhaite s’appuyer sur l’Intergroupe parlementaire latin consommation pour réunir une coalition prête à porter le débat aux Chambres fédérales et à déposer une série d’interventions et de motions sur le sujet.
L'état de la science
Le combat contre les substances indésirables ne peut se mener qu’avec une caution scientifique indiscutable. Si l’«effet cocktail» (ou effet cumulé) est désormais reconnu comme un danger (le premier rapport accablant de l’OMS date de 2013), il s’agit d’identifier au fur et à mesure quelles sont les molécules problématiques en se fiant à l’état de la science. Chaque molécule signalée comme indésirable par la FRC est sur la liste parce que son risque est confirmé par la communauté scientifique.
Ce focus sur la preuve a aussi son prix: il n’y a aujourd’hui pas de consensus scientifique sur des substances problématique telles que les sels d’aluminium ou le dioxyde de titane. Dans l’application, nous projetons une catégorie «substances controversées» pour pallier ce souci sans mélanger risques avérés et soupçons.
Si vous avez raté le début
En 2011, la FRC lance une vaste campagne participative destinée à identifier 17 molécules problématiques dans les cosmétiques, sensibilisant le public et confrontant une première fois les fabricants.
Cette mobilisation de la FRC et de ses membres contribue à faire réagir certaines marques et à la prise de conscience des risques liés à ces substances, en particulier Paraben et Triclosan.
En 2012, l’Union européenne demande d’agir face à l’«effet cocktail», en 2015 elle réduit les concentrations de certains types de Paraben admises dans les cosmétiques et interdit leur usage dans les produits d’hygiène pour enfants de moins de 3 ans.
La FRC poursuit ses tests, dont un premier grand test avec les associations européennes, en ciblant notamment des produits pour enfant ou les gels de douche se proclamant «naturels»…
Depuis, et même si les Paraben ont presque disparu et sont interdits dans les produits pour enfant, les tests se succèdent et démontrent que le problème persiste, parfois avec de nouvelles molécules amenant de nouveaux problèmes. Certaines «stars décriées», telles que le Triclosan, sont même encore visibles dans les étalages.
Aujourd’hui, la FRC estime qu’il n’est plus possible d’agir au cas par cas ni de laisser la responsabilité aux consommateurs d’éviter les substances indésirables. Elle demande une prise de conscience des fabricants et une stratégie nationale.
Le hic d’une ordonnance trop stricte
Il n’existe pas de réglementation mondiale en termes de cosmétiques. Toutefois, depuis le 1er mai, la Suisse s’aligne sur le Règlement 123/2009 de l’Union européenne, «soit la législation la plus stricte du monde, souligne Mildred, fondatrice de la marque valaisanne Belle Luce. C’est pour le bien du client, et cela va faire de l’ordre dans des produits qui pourraient ne pas être conformes, potentiellement dangereux… Mais c’est exigeant.» En effet, un Dossier d’Information Produit (DIP) est désormais requis, avec description de l’objet, méthode de fabrication, déclaration de conformité, rapport de sécurité.
«Entre la complexité des tests et les documents à fournir pour monter le dossier, c’est un véritable défi pour une micro-entreprise», explique Lucienne de Sélène Cosmétique. La marque genevoise, elle, continue «malgré un aspect financier rédhibitoire. A cause de cela, beaucoup mettent la clé sous la porte.» On raconte qu’il faut sortir jusqu’à 3200 fr. pour un produit complexe. Pour grappiller quelques francs, certains lorgnent ainsi du côté de la France, à l’image de Belle Luce – alors même qu’elle sacrifie déjà une partie de sa gamme, faute de budget.
Payer moins cher le DIP, voire la marchandise, à l’étranger, augmenter les prix des articles, oublier le sur-mesure: des conséquences que Noura, de Vrac Boulevard, épicerie durable de Villars-sur-Glâne (FR) aux nombreux cosmétiques faits maison, voit poindre. A contrecoeur, Mildred s’imagine d’ailleurs abandonner plusieurs partenaires locaux, «comme l’apiculteur bio vaudois et sa cire d’abeille utilisée en guise d’opercule qui, malheureusement, n’a pas les moyens d’avoir les fiches de sécurité requises.» Un coup au moral et au local.